ce qu'il reste de Mascate, après le passage de l'ami gonu
Jeudi 7 juin, 6h du matin.
La pluie s'est presque arrêtée. Gonu semble avoir décidé de quitter le coin pour aller plus au nord, vers l'Iran. Pas mécontent de voir un coin de ciel bleu entre les derniers nuages menacants! Quelques rayons de soleil nous font meme l'honneur de percer le ciel chargé.
Comme les maisons ont les toits plats et qu'il n'y a personne au dessus de chez moi, mon plafond pisse comme une passoire : il faut dire que c'est une piscine au dessus! Branle bas de combat, on sort seaux, casserroles, bassines, plantes vertes et on positionne ca strategiquement pour ne pas que l'eau traverse le plancher pour aller inonder le voisin du dessous!
On reprend la voiture à 7h pour aller voir de quoi a l'air Mascate au lendemain de la fin du monde.
Dans mon quartier, à part quelques arbres arrachés, tout semble à peu près en état. Une seule idée en tête : réussir à rejoindre le Wadi Aday, LE plus gros Wadi de Mascate, qui nous interesse moult, vu que notre projet de barrage est sur ce wadi.
Au bout de 15 minutes de voiture par les petites rues secondaires et grace a ma connaissance parfaite du reseau routier de la capitale ;-) , nous arrivons à proximité de wadi aday. Cette zone est drolement stratégique : elle concentre le plus gros risque d'inondation (énorme wadi) et le plus gros aléa (zones commerciales, autoroute et habitations construites dans le lit même du wadi).
Ce qui nous attend la bas est un paysage lunaire, impressionnant. La désolation est complète. On a l'impression que toute la zone a été bombardée pendant toute la nuit. Une machine de guerre est passée et n'a rien épargné.
Des coulées de boue de plus de 2m de haut, les cailloux et graviers transportés par l'eau recouvrent les routes, les ronds points, les maisons de parfois jusqu'à 3m de hauteur. Les voitures réduites en miettes, les magasins éventrés, ...
Je laisse les images parler d'elles mêmes... :
Les routes recouvertes de 40cm de boue à 600m du lit du wadi.
une voiture au mauvais endroit au mauvais moment... il s'agit normalement d'un beau rond point avec parterres de gazons et jolis trottoirs.
un petit vieux fait trempette devant un magasin éventré
Une famille d'Indiens tente de traverser à gué le Wadi, dont la crue a été aussi rapide que la décrue. Ici, le lendemain du cyclone, le débit est ridicule par rapport à la veille.
le centre commercial : un paysage de folie
un écran plat, sorti tout seul du magasin...
le passage sous le pont s'est transformé en wadi de fortune... la chaussée à l'aval n'a pas supporté!
des omanais devant ce qu'il reste d'une voiture emportée par le wadi aday
Thierry et moi marchons sur l'autoroute!
image exclusive : les omanais sont toujours vetus d'une dishdasha d'un blanc immaculé...
un pakistanais prend en photo une route hachée menue
un 30 tonnes, aspiré dans une faille ouverte par l'eau en crue
au fond à droite, un camion citerne plein d'essence... autant vous dire qu'on ne s'est pas éternisés...
le lendemain du cyclone, les gens profitent de l'eau qui coule dans le wadi pour faire une lessive ou se baigner.
à gauche, la mer, à droite, la mangrove (embouchure du wadi). la route cotière a été rayée de la carte sur plus de 100m.
Nous marchons pendant plus de 4h à travers la ville pour admirer le travail de l'eau.
On se croirait vraiment dans un flim catastrophe hollywoodien : après la fin du monde, les survivants pointent le bout de leurs nez dehors et déambulent dans les rues, abassourdis par ce qu'il vient de se passer. Plus rien ne semble en état de marche. Les hélicoptères de l'armée sillonnent le ciel, les pakistanais fouillent tous les debris que l'on trouve dans la rue, à la recherche d'objets en tous genres, pour se faire un peu de sous. Des militaires armés sont postés devant tous les magasins et les banques pour éviter les pillages violents. Les gens luttent pour se déplacer, les routes étant soit coupées, soit recouvertes de boue, soit complètement bloquées par la circulation.
Les premières données hydrologiques qui tombent estiment à 900mm la hauteur d'eau tombée en 24h... ce qui reviendrait à plus qu'une pluie millénale, à savoir que l'on a connu LA pluie qui a moins d'une chance sur mille d'arriver. la crue du millénaire, finalement...
Pour quelqu'un comme moi qui travaille dans ce domaine précisément, c'est une chance inespérée. Je jubilais déjà de vivre la crue que l'on a eue en mars (c'était une vingtenale...), alors imaginez la chance que j'ai eue!